Mourir d'aimer.
Mourir. La mort, la fin, le commencement. La chute. Le drame.
Aimer. La vie, la force, la douleur. Le bonheur, l'allure, la vitesse. La joie.
Deux contraires, deux accolytes. Une sorte d'équilibre? Je ne pense pas.
La douleur fait partie de l'amour. Le vrai amour. La distance fait mal, les disputes font mal, la jalousie peut faire mal.
Pour autant, un équilibre nécessite deux parts égales. La lune et le soleil, le ying, le yang. L'amour. Pour qu'il soit vrai, ce sentiment pur, d'exaltation, de vrai bonheur, la douleur ne doit jamais dépasser la joie. Ou alors on souffre d'aimer. Et alors, où est le but? Se sentir vivant? Tromper l'ennui? Avoir peur de la solitude?
L'amour est ce qu'il est parce qu'il vous emplit d'un sentiment de puissance et d'assurance, de bonheur, de confiance, d'espérance, de croyance. Si l'amour n'apporte que regrets et douleurs, alors le coeur libre est tout aussi heureux.
Bouleversée ce soir par ce film. Enfin, « téléfilm » comme on dit. Je ferai l'impasse sur la merveilleuse interprétation de Muriel Robin, sur la réalisation juste et vraie de Josée Dayan. L'histoire.
Une prof et un élève. Une histoire d'amour. La société. La « norme générale ».
La doxa. Doit-on aimer sous couvert des normes? Doit-on aimer dans le velours?
Il est question d'être raisonnable, mesuré, responsable, lucide...
L'amour est l'inverse total. On n'est pas raisonnable, on ne peut pas être mesuré, les responsabilités ne concernent pas l'amour, et la lucidité encore moins. On aime comme notre coeur nous dicte d'aimer. On aime comme notre coeur a besoin d'aimer. Le mal? Il n'y a pas de mal. Le seul mal possible est de forcer l'amour, de ne pas accepter le refus, de faire du mal car on n'est pas capable de respecter le refus de l'autre. Là, une sanction est légitime, car on touche à la liberté d'acte, la liberté d'opinion et le respect d'autrui.
Mais dans cette histoire. Une femme, un homme. Jeune certes, mais un homme qui a fait un choix: vivre cet amour, qu'il n'a au contraire pas choisi.
Cette femme, elle, a aimé ce jeune homme, en suivant son coeur. Ils n'ont pas été raisonnables, ils n'ont pas été lucides, et encore moins mesurés. Comment auraient-ils pu l'être? Ils s'aimaient.
Ils étaient certainement heureux ensemble, mais ça n'a pas suffit. Pas suffit à faire comprendre à tous ces gens que l'amour n'a pas de barrières. Que si deux personnes saines d'esprit sont heureuses ensemble et ne font de mal à personne, alors il n'y a pas de vraies raisons d'empêcher cela.
Mourir d'aimer. Parce que c'est moins dur que d'aimer face à une armée de cons.
Je me demande ce que j'aurais fait, à leur place. Et peut-être ce que j'aurais moi-même fait, d'aimer une femme en 1980. J'aurais aimé je pense.
Alors bien sûr, on veut protéger son enfant. Légitime. Mais si cet enfant est heureux ainsi, et assez mature pour accepter ce qui se présente, n'est-il pas de notre devoir de parent de faire tout ce qui est possible pour comprendre au mieux ses besoins?
Non bien sûr. La pension, l'éloignement. S'il est malheureux? Il est jeune, ça lui passera. Que vont penser les gens si on ne s'oppose pas à cela?
On ne peut pas reprocher à des parents de vouloir protéger leurs enfants. On peut leur reprocher de leur faire du mal au prix des « normes générales ».
On dit souvent que nous sommes dans une société individualiste. Je ne pense pas. On veut être individuel, on veut faire SA vie. Certains font l'effort chaque jour d'essayer d'y parvenir. Mais la majorité, que fait-elle?
Elle fait sa petite vie, va au supermarché de son quartier et dit à ses enfants de ne pas montrer du doigt la personne handicapée. Mais ce n'est pas la personne handicapée qui est gênée, ce sont les parents. Et au lieu de s'approcher, de demander de comprendre la curiosité de l'enfant, on regarde furtivement, on tourne le dos, et on oublie, on s'en va. Après quoi, aux dîners entre amis, on affirme parfaitement bien accepter les différences, nous sommes tous des êtres humains, voyons.
Et l'enfant? Et bien l'enfant, il reste dans l'idée que malgré les lois et les efforts, les personnes ne correspondant pas à son entourage social sont différentes. Et il se forge une norme.
Et qui ne l'a pas fait? Qui n'a pas eu cette réaction un jour? Le fait même de se dire avec une conviction sincère que cette personne est comme nous, signifie qu'on ne nous a pas habitué à le croire. Car si c'était le cas, on n'y penserait pas, tout simplement.
Bref...je me rend compte qu'encore, je me suis éloignée de mon sujet.
Et tout cela pour dire, un peu en révolte et beaucoup en tristesse, que ces deux personnes ne faisaient de mal à personne. Elle dérangeaient simplement les normes de la société. Des normes ridicules, des étiquettes, dans des tiroirs. Catégorie « professeurs » et catégorie « élèves ». L'homme aime faire des petits tiroirs bien en ordre, pour mener une petite vie tranquille et paisible. Ouvrir un tiroir et en refermer un autre, et se sentir parfaitement correct et puissant de respecter cet ordre.
Un ordre inventé. Imaginé par l'homme. Et l'erreur est humaine c'est bien connu. L'homme n'avait pas pensé que la plus grande des catégories, il ne pourrait jamais la contrôler. « Nature » et juste en-dessous, « Amour ».
Des histoires comme celle de Gabrielle et Christian, il y en a toujours eu, et il y en aura encore. Et encore, les « normes générales » se chargeront de leurs sorts. Et on aura beau faire, dire, humilier, au prix des normes, on n'arrêtera jamais les 'colombes en plein vol'.
Jusqu'à ce que quelqu'un de sensé, fasse uniquement appel au « bon sens ». Ou pas.